Fukushima mon amour
Fukushima mon amour
Cependant que le vent pleurait sous la fenêtre
Et que l'hiver tenait la maison dans sa main,
Alors que rougeoyaient dans l'âtre deux tisons
Et que je rêvassais, déjà presqu'endormi,
Je vis ce que je crus une image de guerre :
Une foule de gens marchaient sur le chemin.
Ils allaient d'un pas lourd et sans dire un seul mot,
Ils allaient lentement, en funèbre cortège,
Recueillis, silencieux...
Sans cesse mugissaient de lointaines sirènes,
Je fouillais ma vision, cherchant à distinguer
Des armées, des soldats que tous ces gens fuiraient
Mais tout était intact et calme,
Tout dormait...
Je sais qu'il fut un temps on emportait les morts
En terre de repos dans un autre village,
Je cherchais le cercueil, le prêtre, une croix,
Mais je vis seulement quelques maigres bagages
Et un chien...
Des vieilles, le front haut, toutes de noir vêtues,
Dirigeaient le convoi, toutes sèches et légères,
Puis venaient des enfants, puis venait un vieillard
Et le gros du troupeau suivait,
Hagard...
Que fuyaient-ils ainsi ? Quel typhus, quelle peste ?
Des villages entiers furent abandonnés
Jadis par les anciens. Ils avaient tout quitté :
Il fallait échapper à la mort qui rôdait,
Qui feignait de partir et qui les attendait,
Tapie...
Un vieil homme pressait un mouchoir sous son nez,
D'autres allaient masqués de voiles de papier...
Et je compris soudain qu'un monstre avait jailli
Des rondes cheminées peintes de pâquerettes
Qui se dressaient,
Plus loin...
Je savais qu'il fallait tout laisser à ce monstre,
Son bien, son peu, son tout,
Qu'il fallait s'en aller
Et s'en aller très loin...
Ce monstre prenait tout,
Vous poursuivait longtemps
Et ne mourait
Jamais...
Et je me dis tout bas :
Mais ce monstre, on l'a fait !
Fait...