Ephémère Margeride

Le château de Chams

 

"Race maudite des habitants de Chams!"  A-t-elle murmuré entre ses dents gâtées, a-t-elle crié à tue-tête? On ne le saura jamais. On sait seulement ce que rapporte la tradition orale: l'héritière du château de Chams n'a pas aimé ce qu'elle a vu quand elle a regardé (de loin, de Bédillon à travers le vallon) ce qui restait de sa demeure: des ruines...

 

Chams chateau

 

La tour de Chams.

 

André Séguron a passé des heures dans la poussière des archives pour butiner les vieux papiers. Je l'en remercie et je vous en livre le miel.

Je parlerai de la Naoute, de Courbadou et bien sûr du village.

   C'est en 1212 que Chams est mentionné pour la première fois dans les archives.

   La tour a pu être construite aux tous débuts du 15ème siècle. A cette époque la région était infestée de bandes de mercenaires, plus connus sous le nom de "routiers" qui ravagaient le pays à partir de leurs places fortes, dont celle du Chayla d'Ance.

   La tour de Chams aurait été un bâtiment imposant : 10 m sur 10 m et 28 m de hauteur. (Une mesure ultérieure indique "14m, hauteur inchangée". Peut-être l'a-t-on renforcée...Ou bien s'agit-il de la largeur de la tour escalier accolée...). Elle était recouverte de tuiles. (deux charretées de tuiles seront amenées pour sa rénovation). 

Elle avait, cave comprise, six niveaux.

   A Montagnac de la Tour, les murs de de la tour transformée par la suite en habitation mais à l'origine sans doute identique à celle de Chams, mesurent 1 mètre 90 d'épaisseur. (Je les ai mesurés)

   Il y avait une tour semblable à Grandrieu, une au Monteil de Ste Colombe de Montauroux, une à Filetin, une au Bouchet Fraisse, une à Ancette, et donc une à Montagnac de la Tour. On peut avoir une idée du bâtiment en voyant celle du Cellier.

 

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   La tour de Chams avait des mâchicoulis. (Balcon au sommet des murailles, percé d'ouvertures à sa partie inférieure (permettant de laisser tomber des projectiles sur l'ennemi)

Images 9

 

Au premier niveau se trouvait la cave voûtée, avec treize tonneaux grands et petits en 1631. (inventaire)

Au dessus la sommellerie (la patouille?) et la cuisine voûtée. 

Au troisième la salle haute. 

Au quatrième deux chambres. 

Au cinquième une autre chambre.

Enfin au sixième deux galetas.

Tous les niveaux de la tour avaient une cheminée, sauf la cave et le grenier.

Le troisième niveau (la salle) avait des toilettes, le quatrième et le cinquième niveau également.

 

Latrine

 

  J'ai essayé de restituer du mieux possible par mon dessin le château tel que les archives le décrivent. Je sais très peu de chose du logis seigneurial. C'était une maison adossée à la tour vizette. Un huissier écrit en 1672 "un grand corps de logis joint la grande tour avec 4 culs de lampes, couverte à tuiles".

   Un cul de lampe est un support en encorbellement, en forme de pyramide renversée. Peut-être ces quatre culs de lampe étaient ils aux quatre coins de la toiture et supportaient ils les poutres...

 

 

Pierre chams

Pierre taillée provenant du château et conservée pendant plusieurs générations dans une ferme du village. Peut-être l'un de ces culs de lampe? Je l'imagine bien posée sur un corbeau. Si quelqu'un peut m'éclairer, merci.

 

 

Dessins des ruines du château sur cadastres et carte état major.

 

Chareau ruines

cadastre 1837

 

Ruines du chateau

état major entre 1820 et 1850

 

Chateau ruine

cadastre encore 1837...

 

 

Chams en 1426.

 

   Chams comptait en 1426 23 maisons. Trois seulement relevaient du seigneur, alors Guérin d'Apchier. Les 20 autres maisons constituaient la seigneurie de Chams et relevaient de Gilbert de St Haon.

   Nous avons la liste des habitants, c'est à dire des maîtres ou maîtresses des maisons. Seuls restent Martin, Mathieu, Malet, Soulis. Les autres noms ne m'évoquent personne, ils ont disparu du village.

   Ils recevaient du seigneur une terre pour une longue période moyennant un bail annuel. Ils étaient astreints en cas de guerre au guet et à la garde de la tour. En contrepartie ils disposaient dans la tour d'une place pour mettre leur grain en sécurité.

   En 1500 la seigneurie a été cédée à Louis Latour. Ce Louis Latour le 15 octobre 1500 concède à Aldebert père et fils le droit d'user du »moulon vielh » à Chianaguet, (sous le rocher, sur le Grandrieu) moulin à farine et foulon. Les habitants de Chams avaient obligation de faire moudre leurs grains à ce moulin.

   C'est ce même Louis Latour qui transformera la tour de Chams. Il en fera un résidence plus confortable en accolant un corps de logis à la tour existante. Les travaux prendront quand même plus de trente ans. La première modification fut la bizètte. (c'est comme ça que mes parents appelaient l'escalier de la maison.) Là il s'agissait d'une tour qui permettait l'accès aux étages de la tour carrée par des portes de plain-pied. Elle se terminait par une tourelle couverte de lauzes.

   C'est au fronton de la tour escalier que se trouvait la porte qui est au presbytère du village, au dessus de la porte d'entrée.

(presbytère construit en 1877/1878)

« Louis de la Tour ma faite faire en l'an 1590, le dernier mai » dit la dite pierre.

 

 

Porte v

 

   

Porte val

 

 

Porte val reve

On peut l'imaginer ainsi...

 

Un encadrement de porte daté de 1600, visible dans une des murailles de la ferme Mathieu, était peut-être la porte de la chapelle. Cette chapelle a été construite par le même Louis de la Tour. On connaît ses dimensions : 20 mètres sur cinq mètres et 2,5 mètres de haut. Elle était voûtée.

 

 

Porte m 2

La porte telle qu'elle est aujourd'hui.

 

Porte m 3

Telle qu'elle pouvait être...

 

   Enfin il a fait construire la tour neuve. Après avoir financé le rez de chaussée, il a donné à prix fait (300 livres) le premier étage (de même maçonnerie que ce qui a été commencé) à trois maçons de la région du Malzieu. Le contrat prévoyait une cheminée, une grande fenêtre croisière (comme celle qui est en dessous), une garde-robe avec siège et fenêtre. (en fait des toilettes)

Mais le décès de Louis de la Tour va interrompre le chantier...

   En 1862 l'instituteur de St-Symphorien écrira que le château de Chams a été démoli "il y a environ 25 ans".

 

Au moins deux des Seigneurs de Chams étaient des condamnés à mort qui avaient réussi à échapper à l'exécution.

      En 1580, Louis de la Tour, Seigneur de Chams, avait molesté et sans doute violé la femme d'un juge du Puy. En représailles son château de Bains était abattu. Condamné à mort par contumace, il s'était réugié à Chams.

Balthazar de Langlade en 1681 avait lui aussi été condamné à mort. Sa "teste tranchée par l'exécuteur de Haute Justice sur un échafaud qu'à cet effet sera dressé sur la place publique de la ville de Marvejols". Ceci pour "concussions, usures et violences, voies de fait, enlèvement de bestiaux, cabaux et autres effets mobiliaires, emprisonnement de personnes, impositions illicites, rébellions  etc..." Sur le point d'être pris, il se serait suicidé. On ne dira jamais assez les bienfaits de l'arsenic.

 

 

Courbadou

 

 

   De courbado, terme gévaudanais qui signifie corvée ou du mot courbo, courbe, qui indiquerait un virage sur l'un des deux chemins qu s'y croisaient, Courbadou est un lieu dit tout près du village de Chams.

   C'était le carrefour des chemins allant de Chams à St-Symphorien, de Laval à Montauroux (chemin allant de Langogne à Saugues), de Marvejols au Puy, très emprunté par les pèlerins. Depuis le Haut Moyen Age, le Puy était une célèbre ville sanctuaire de la Vierge Noire où se pressaient les foules.

   Le repère est le rocher de Courbadou, un impressionnant amas de blocs de granit derrière l'usine électrique au bord de l'autre chemin permettant de rejoindre Ancelpont. 

   En 1212, il y avait à Courbadou deux mas, (locaux d'habitation et bâtiments à vocation agricole, auxquels s'ajoutent les dépendances telles que jardin, cour et verger), nommés Labot Jioubé et Labot Bièl. La première mention qui en est faîte dans les archives est datée de 1212.

   Le lendemain de la fête des apôtres St Pierre et St Paul, Guigon des Deux Chiens, seigneur de Montauroux y achetait un pièce de terre pour y construire des fourches patibulaires, c'est à dire une potence. On y tranchera aussi les mains et les oreilles. Donc un endroit à éviter d'autant plus que s'y trouvait également un péage.

Un site très animé...

 

La naoute.

 

 

   Le 1er avril 1689, Joseph Jean de Langlade recrute 50 hommes à pied en prévision de la guerre qui n'allait pas manquer d'éclater. Ce sera la guerre de neuf ans entre la France et les principaux pays Européens. Avant leur départ ces recrues sont rassemblées dans le pré de la Naoute et présentées à leur colonel. Certains reviendront au bout de huit ans.

 

 

La petite histoire.

 

 

Héracle de Rochebaron, seigneur de Montauroux, avait soutenu le parti Bourguignon contre les Armagnacs en 1240. Il avait levé une armée de mercenaires et tenté de prendre la ville du Puy, occupée par les Armagnacs. Défait et acculé par ses ennemis, il se réfugie dans le château de Montauroux. Le château investi par le parti adverse, il parvient à s'échapper et s'habille en paysan. Son chapelain également déguisé, il s'enfuit de Montauroux en menant une vache que pousse le chapelain. Or Héracle refusait de se confesser, prétextant qu'il ne commettait pas de péché. Le chapelain qui n'était pas dupe n'avait jamais réussi à le prendre sur le fait.

- Même pas un mensonge ?

- Même pas.

Arrêtés par des hommes d'armes au lieu dit Ramagouse près de Ste Colombe de Montauroux, les soldats lui demandèrent si le seigneur était toujours à Montauroux. Rochebaron regarda son chapelain en souriant et leur répondit :

- Il y était quand j'y étais.

 

 

A suivre

 

Si quelqu'un sait quoi que ce soit à propos de de ce château, je serai ravi de l'apprendre. Il peut me contacter à l'adresse

sabadel.gerard@akeonet.com

Merci.