Ephémère Margeride

poèmes, fables...

 

 

"Je dis seulement qu'il y a sur cette terre des fléaux et des victimes,et qu'il faut seulement, autant qu'il est possible, refuser d'être avec le fléau."                        

  Albert Camus. La Peste.

 

J'entends, je lis des témoignages.

Vrai ? Pas vrai ?

J'avoue que j'ai peur.

Pourquoi cette haine ?

Que nous voulez-vous, messieurs en uniformes, messieurs de la magistrature ?

C'est la guerre ?

Respectez nous, apprenez à taire vos réflexions malsaines, gardez votre humour pour vos casernes, pour vos véhicules banalisés ou gyropharisés.

Cessez de nous faire du mal.

Réservez à l'action votre esprit de corps.

Raflez dans nos écoles les enfants d'étrangers, fouillez les cartables avec vos chiens, fouillez au corps, déshabillez, clouez au sol, mais par pitié avec délicatesse.

Je vous comprends, le bourreau ne discutait pas la potence, il pendait...

Le monde va, un métis préside les Etats-Unis, une femme aurait pu être élue à l'Elysée, l'homme était un loup pour l'homme, aujourd'hui c'est un chien, seulement un chien.

Esclavage, colonisation, ségrégation, demain égalité ?

Cessez, messieurs d'être le crissement désagréable des roues de la charrette, le monde va vers de plus en plus d'attention à l'autre, vers de plus en plus de respect.

C'est ainsi et ne manifestez pas votre mauvaise humeur d'avoir été floués lors des dernières présidentielles en insultant des enfants.

Nous sommes déjà d'humeur mauvaise.

N'accusez pas à tort, à pleine page, ne brandissez pas de soi-disant groupuscules d'extrême gauche prêts à tous les sabotages avant de savoir de quoi ils sont coupables.

Cessez de vouloir nous faire prendre des vessies pour votre lanterne, nous vous en aimerons que mieux et votre vie sera plus belle.

Nous ne sommes pas vos ennemis !

 

Les gros sabots.

Les cigales étaient pliées,

Les fourmis faisaient la gueule,

La cour restait aussi veule,

La souris se démenait.

Chez les mantes religieuses,

Sur qui on avait compté

On rotait après congrès

A l'abri sous une yeuse.

Seuls les scarabées repus

Ronflaient étendus en rond

En rêvant réélection,

Chaque matin plus pansus.

Les maîtresses sauterelles,

A qui tout appartenait,

Comptaient, recomptaient leurs ailes,

Sûres de toujours voler.

L'âne vint, qui prête à rire

Et qu'on avait oublié.

 

Spleen.

J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans,

Un gros coffre à tiroirs encombré de bilans,

D'escomptes, de crédits, de jetons de présence,

Avec de vieux louis roulés dans des quittances

Cache moins de secrets que mon triste cerveau,

C'est une pyramide, un immense caveau

Où comme des remords se traînent des actions

Qui m'amènent à penser qu'on m‘a pris pour un con.


 

J have a dream.

Comme je descendais des Fleuves impassibles,

Je ne me sentis plus guidé par les traders :

Des financiers caviar les avaient pris pour cibles

Les ayant cloués nus aux écrans de couleurs.

J'en devins fort soucieux de tous mes équipages,

Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.

Quand avec mes valeurs ont fini ces tapages

Les Fleuves m'ont laissé descendre où je pouvais.

Pourquoi ne nous apprend-t-on pas

A faire du feu à l'ENA ?

 

Acte III

Scène 1

 Le médecin, assis derrière son bureau, lève les yeux sur la personne qui vient d'entrer dans son cabinet.

Le médecin - Que vous arrive-t-il ?

Le patient - Je suis pris de vertiges.

Le médecin - C'est à dire ?

Le patient - Tout se met à tourner, il faut que je m'assoies...

Le médecin - Depuis longtemps ?

Le patient - Depuis des mois.

Le médecin - C'est une épidémie dont beaucoup sont atteints.

Le patient - Ça s'appelle comment ?

Le médecin - Vous souffrez de macrose.

Le patient - Et vous dites que beaucoup sont touchés ?

Le médecin - Certes , certes, un bon quart des Français. 

Le patient - 15 millions de gens ?

Le médecin se lève et s'avance vers lui.

Le médecin - Tous n'ont pas consulté...

                       Allongez vous ici que je vous examine. (Il l'ausculte.)

                        Dites cac 40.

Le patient - Pardon ?

Le médecin - Alors dites Kerviel.

Le patient - Qui ?

Le médecin - Avez-vous des actions, des biens immobiliers ?

Le patient - Non.

Le médecin - Dites Rollex Monsieur.

Le patient - Rollex. Mais qu'est ce que c'est ?

Le médecin - Qu'importe...

Le patient - Mais à quoi jouez vous ?

Le médecin - Je vais vous expliquer.

                        Les gens qui ont beaucoup sont les premiers touchés.

                        Or vous avez bien peu.

Le patient - Ce n'est pas la macrose ?

Le médecin - Si Monsieur elle touche aussi des gens de rien.

Le patient - J'ai des biens.

Le médecin - Mais vous n'êtes pas riche.

                       Enfin, rassurez vous, vous guérirez tout seul.

Le patient - Que dois je faire ?

Le médecin - Rien. Attendre encore un peu.

                       J'avais le même mal et ça va beaucoup mieux.

Le patient - Pourtant jusqu'à ce jour j'ignorais la macrose

                     et vous dites que des millions de gens

Le médecin - La macrose est un mal dont on ne parle pas.

                       On se dit sain d'esprit et de corps.

Le patient - Et on l'a ?

Le médecin - Oui. Avez vous quelquefois vu des films pornos ?

Le patient - Non, enfin oui quelquefois... pourquoi cette question ?

Le médecin - Les gens sont des millions à voir ces films là

                       posez leur la question, qui le reconnaîtra?

                       La macrose elle aussi est honteuse, voilà...

 

 

Lettre ouverte aux sbires de Monsieur Bertrand,fonctionnaires méritants

                                       A propos de Monsieur Yves Bertrant et de ses carnets à spirales.

Je parle sans savoir.

Je n'ai jamais voulu approfondir.

Je ne me complais pas dans le nauséabond, il en va des pets comme des enfants, je ne supporte que les miens.

Cependant il faut que je vous dise : je serais vous, je ne serais pas fier ; je tairais à ma famille en quoi consiste exactement mon travail, pour garder l'estime des miens.

L'un de vous serait mon père, je rougirais de lui comme j'en rougirais s'il avait été collaborateur pendant la dernière guerre, ou délateur.

Écouter, tapis dans quelque encoignure, suivre en rasant des murs, espionner, noter les travers de la vie des autres pour complaire à des chefs qui en tireront tous les partis et en vivre, en gagner sa pitance !

Évitez de réfléchir surtout, ne vous demandez jamais si ce que vous faites est compatible avec la joie de vivre, d'être, d'exister... avec la chance que vous avez d'être là, avec d'autres. Bon an, mal an....

Ne prenez pas de recul, vous iriez vous pendre ou vous défenestrer ou nous polluer quelque fleuve pour bien vous noyer et je vous comprends

Contentez vous d'être des automates ternes, des machines qu'on appelle, à tort, des hommes.

Et nous, laissons les loups se manger entre eux par sbires interposés en faisant attention à ce que notre tour ne vienne pas.

J'ai longtemps eu le tort de chasser le sanglier. Blessés, ils chargent quelquefois. Mais ce sont des bêtes.

Nobles.

PS: La charge des bourreaux aussi se transmettait....

                                                                                                                                                               

Les rats.

 

Depuis toujours les rats étaient bénis des dieux,

Ils mangeaient à leur faim et vivaient plutôt vieux,

Qu'une guerre éclatât et les champs de batailles

Devenaient tables mises où ils faisaient ripaille,

Que quelque épidémie s'en prenne aux animaux,

Ils passaient au travers et devenaient plus gros.

Ils laissaient les reliefs de repas fastueux

A des hordes de chiens qui se mordaient entre eux

Et qui se croyaient sûrs de gouverner le monde

Parce qu'ils avaient pouvoir de charognards immondes.

Les autres animaux pour eux ne comptaient pas,

C'étaient là vermisseaux dont ils faisaient peu cas...

Ils allaient au bureau dans quelque ministère

Cracher tout leur mépris du reste de la terre.

Ils menaient grande vie et tous se croyaient beaux,

Ils juraient par les rats jusqu'au fond du tombeau.

Tout ce qui fait le sel d'une existence vraie

Échappait à ces chiens, aucun ne s'en doutait.

Pourtant un beau matin le monde vacilla.

Ce jour-là tout un chacun eut peur, surtout les rats.

C'étaient moissons gâchées, c'étaient sources taries,

C'étaient greniers vidés et charpentes pourries

Et tous les décideurs redoutèrent demain

En pensant angoissés : mon dieu si j'avais faim !

Un sage vint à eux d'une forêt lointaine.

A fixer ses yeux jaunes ils étaient des centaines.

Un chien l'interpella : - Maître que faisons nous ?

Le Grand Duc lui sourit : - Il faudra être un loup,

Retourner en forêt pour chercher ta pitance.

A un rat qui pleurait, ministre des finances,

Il demanda tout bas pourquoi il était là.

Celui-là répondit qu'il était fils de rat.

Tous criaient à présent, qui Macron, qui l'E.N.A...

Le Grand Duc eut ces mots : - Et l'estime de soi ?
 

 

Les Zenarques

 

Chez les Zenarques on n'est pas forcément intelligent mais on sait se couler dans le moule d'une institution scolaire bien choisie et on donne satisfaction.

On est tête de classe dès la petite section de maternelle. Entre deux changements de couche, on met les bras du bonhomme comme pépé a dit !

On ne pêche pas par la fantaisie, on est terne et tristounet mais le bulletin en témoigne, on travaille bien  à l'école.

Comme les parents ont des postes à responsabilité, hauts fonctionnaires ou dirigeants dans le privé, on a une enfance protégée c'est à dire sans toutes ces expériences qui vous forgent un homme. Disons que le premier vélo garde longtemps ses roulettes. On ne grandit pas, on boutonne.

On décroche un bac S mention très bien, on prépare les grandes écoles, on bachotte, on reçoit son parchemin armorié sans rien savoir de la vraie vie et on devient un décideur, on prend la France en main, on a du pouvoir sur les vermisseaux et on en use.

On domine et on décide.

On rêve de la même réussite sociale pour ses enfants qu'on met dans les mêmes écoles, qui se coulent dans le même moule...

Franchement, comment voulez vous que ça marche?

 

 

Clin d'oeil....

VIVA ZAPATA

 

Plus que jamais les loups dévoraient les moutons

Au fond des bergeries on faisait le dos rond,

L'herbe en était amère, les agneaux délaissés,

On voyait tous les jours se battre des béliers.

On les avait tondus, ils allaient grelottant,

Tous marqués sur le dos du symbole infamant

D'un berger trépignant et qui jouait du fouet

Et des chiens. Quant au foin il était mesuré,

La paille des litières trop rarement changée,

On leur prenait leur laine, leurs enfants et leur lait.

Quand ils devenaient vieux, ma foi, on les mangeait.

Les moutons ruminaient de bien sombres pensées...

Un bélier noir leur vint d'une contrée lointaine,

Il les vit résignés, le front bas, l'oeil éteint.

Enfin quoi, leur dit il, nous sommes des centaines

Comment pouvez vous croire que nous ne pouvons rien

Au sort qui nous accable! Il fit tant et si bien

Qu'ils se crurent des crocs, des griffes, du venin,

Osèrent faire front, relevèrent la tête,

Se mirent en devoir de changer leur destin.

On vit les loups s'enfuir, on vit gémir les chiens,

Jusqu'au pâtre qui prit la poudre d'escampette.

Les maîtres du troupeau vinrent de la vallée.

Ils ne comprenaient rien, que s'était il passé?

A l'un d'eux, gras et fier, qui était en colère,

Le berger bredouilla: - C'est le front populaire.

 

 

COUCOU JAURES

 

Le prince de Gomorrhe avait de l'ambition :

Qu'un scrutin vit le jour il courait l'élection.

Il était là, menu, le poil fin, l'oeil brillant,

De ses bijoux paré, ma foi presqu'élégant,

Sûr de lui, sûr de tout, vif et intelligent.

Les chattes l'adoraient: ses fils étaient charmants.

Je voterai pour lui murmuraient des souris,

Il faut du changement! hurlaient de gros rats gris,

Lui saura manoeuvrer, cet homme est très adroit!

Enfin de son côté s'étaient rangés les chats

Dans leur majorité. On vota. Ce fut lui.

Il fêta son succès avec quelques amis

Triés sur le volet et qui n'avaient je crois

Qu'un mépris bien profond pour nous autres les rats.

Ensuite il divorça, convola et posa

S'agita, s'afficha, il était toujours là.

C'était un tourbillon, toujours sous bonne garde,

Sans trêve il allait, ardent mais sur ses gardes,

Là redresser un tort, là promettre et bénir.

A ceux qui soupiraient - Qu'allons nous devenir ?

Il chuchotait affable - Reposez vous sur moi.

Le soir même il était retourné à ses chats.

Il était empereur, il était un peu roi.

Il manipulait l'or, les banques, les médias.

Il s'en prenait à tout, il tripotait les lois,

Et je crois qu'il pensait - Heureusement qu'on m'a !

L'histoire ne dit pas qu'il finit son mandat.

 

 

Toast

 

En un hôtel particulier

Bâti aux portes du Marais

Par un ancêtre blasonné,

On recevait.

 

On avait bu force cocktails,

Souri du petit personnel,

Mangé des homards au curry,

C'était minuit.

 

On plaignait beaucoup Dugommier

Contraint de délocaliser

Son entreprise de balais

Au Zimbabwe.

 

On déplorait que Dupoirier

Ait choisi de se supprimer

Ruiné par tous ces financiers

Dont il était.

 

On était d'accord pour aller

Aux Etats Unis réclamer

Des miettes de millions placés

En jet privé.

 

Le maître de maison râla,

Maudit l'ouvrier, maudit l'Etat,

Il s'emporta et accusa

Les syndicats.

 

Quelqu'un évoqua Obama,

Un instant il se dérida,

Sourit largement, s'affala

Sur un sofa.

 

Pour lui qu'on eût élu un noir

Était porteur de tant d'espoir

Qu'il s'en mouchait dans son brandy,

Il était cuit.

 

Ils burent alors à la santé

D'un monde neuf qui promettait

A chacun demain d'espérer

L'égalité.

 

 

Le coq

 

Un coq nommé Brutus régnait en Cétissie

Qui disait détenir les clés du paradis.

Ses amis le hissaient sur un tas de fumier

Et là, pendant des heures, sans fin, il pérorait.

-Ayez confiance en moi, disait-il. Picorez !

Goinfrez vous mes amis d'orge, de riz, de blé,

Mangez ! Je vous le dis. Et ses proches d'enfler,

A d'autres quelques miettes, à chacun d'espérer.

Le grenier se vida et ce fut la disette.

Le coq nain s'ébroua, lissa ses plumes et dit :

-Voilà que les gardiens des réserves ont failli !

Courage mes amis ! Il tenait les gazettes

Et les boites magiques qui le faisaient entrer

Strict et poli, le  soir, au fond des poulaillers

Cela ne suffit pas... Il manquait de charism

Et sa conduite avait des relents de tsarisme.

Les uns se détournaient, il les avait déçus.

D'autres le haïssaient qui ne l'avaient pas cru.

Il en devint méchant, sa serre fut de fer,

Il était agité, de plus en plus amer,

Son monde vacillait, il fit des concessions,

On allait partager ! Mais las de ses sermons

Ceux qui l'idolatraient lui montraient leur croupion.

Il était prêt à tout, à demander pardon,

Même à montrer les dents mais il se rappela

Qu'il était juste un coq et qu'il n'en avait pas.