Ephémère Margeride

Fukushima mon amour

 

 

Dieu 7

 

 

Fukushima mon amour

 

Cependant que le vent pleurait sous la fenêtre

Et que l'hiver tenait la maison dans sa main,

Alors que rougeoyaient dans l'âtre deux tisons

Et que je rêvassais, déjà presqu'endormi,

Je vis ce que je crus une image de guerre :

Une foule de gens marchaient sur le chemin.

Ils allaient d'un pas lourd et sans dire un seul mot,

Ils allaient lentement, en funèbre cortège,

Recueillis, silencieux...

 

Sans cesse mugissaient de lointaines sirènes,

Je fouillais ma vision, cherchant à distinguer

Des armées, des soldats que tous ces gens fuiraient

Mais tout était intact et calme,

Tout dormait...

 

Je sais qu'il fut un temps on emportait les morts

En terre de repos dans un autre village,

Je cherchais le cercueil, le prêtre, une croix,

Mais je vis seulement quelques maigres bagages

Et un chien...

 

Des vieilles, le front haut, toutes de noir vêtues,

Dirigeaient le convoi, toutes sèches et légères,

Puis venaient des enfants, puis venait un vieillard

Et le gros du troupeau suivait,

Hagard...

 

Que fuyaient-ils ainsi ? Quel typhus, quelle peste ?

Des villages entiers furent abandonnés

Jadis par les anciens. Ils avaient tout quitté :

Il fallait échapper à la mort qui rôdait,

Qui feignait de partir et qui les attendait,

Tapie...

 

Un vieil homme pressait un mouchoir sous son nez,

D'autres allaient masqués de voiles de papier...

Et je compris soudain qu'un monstre avait jailli

Des rondes cheminées peintes de pâquerettes

Qui se dressaient,

Plus loin...

 

Je savais qu'il fallait tout laisser à ce monstre,

Son bien, son peu, son tout,

Qu'il fallait s'en aller

Et s'en aller très loin...

 

Ce monstre prenait tout,

Vous poursuivait longtemps

Et ne mourait

Jamais...

 

Et je me dis tout bas :

Mais ce monstre, on l'a fait !

Fait...